Vive les émotions … négatives
Je suis quelqu’un d’optimiste, j’adore être heureux et comme nombre d’entre vous je déteste être malheureux. Donc pendant longtemps je me suis refusé à vivre toutes les émotions que je considérais comme négatives, celles qui sont désagréables.
Ma façon de procéder était très simple, dès que je voyais naître une émotion que je considérais comme négative, je me fermais comme une huître. Longtemps j’ai pensé que ce mode de fonctionnement était parfait, qu’il me permettait de vivre de la meilleure des manières. Je reprochais presque aux autres de ne pas avoir adopté cette technique pourtant simplisme en venant polluer ma vie de leurs émotions si néfastes.
Le point d’orgue de cette méthode fut probablement le jour de l’enterrement de mon père. Lors de la cérémonie, alors que chacun rendait son dernier hommage et entamait le processus de deuil, assis sur le banc de l’église, pour me couper de ces émotions insoutenables, je chantais du Will Smith dans ma tête pour surtout, penser à autre chose “Welcome to Miami..” (pas de jugement sur le choix de la chanson, on était en 1998).
Mais même à ce moment-là je ne me rendais pas compte de l’absurdité de ce que je faisais, ça n’est que des années plus tard que j’ai commencé à comprendre les limites de mon système. Un ami avec une grosse peine de coeur, est venu me trouver pour trouver du soutien et de l’amitié. Après s'être livré à moi, quelque chose de particulier s’est produit. Au lieu de me sentir mal et simplement d’être en empathie avec lui, je me suis mis à sourire, j’étais même au bord de rire. Du coup, je me suis mis à avoir honte de mon comportement et de son inadéquation avec la situation. Et c’est là que j’ai compris : j’avais tellement peur de vivre une émotion négative que mon corps préférais rire face à mon ami plutôt que de l’aider. Il était temps de changer.
C’est avec l’aide de l’hypnose que j’ai commencé ce changement. Ça ne s’est pas fait du jour au lendemain, ce fut le sujet de plusieurs séances mais pas à pas, j’ai évolué. Je pense qu’il y eut surtout deux prises de conscience majeures.
La première étant que les émotions ne sont ni négatives ni positives, elles sont éventuellement plus ou moins agréables, mais elles ont toutes une fonction, une fonction positive pour nous. Pleurer à l'enterrement de son père, ce n’est pas négatif, c’est une façon d’honorer une mémoire et de commencer son deuil. Être en empathie avec un ami au plus mal ce n’est pas un signe de faiblesse mais l’expression d’une gentillesse.
La deuxième, c’est qu’on ne contrôle pas nos émotions, on ne décide pas d’être en colère, d’être heureux ou d’être triste, c’est l’expression d’un fonctionnement inconscient complexe. Le seul choix face à une émotion (et là il s’agit d’une conviction personnelle) c’est de la vivre ou de la bloquer. Les émotions bloquées ne disparaissent pas, soit elles attendent leur tour pour revenir sous une différente forme (qui n’a jamais transformé de la tristesse en colère), soit elle remplissent patiemment le barrage que nous construisons jusqu’au jour où ça déborde.
Aujourd’hui face à une émotions désagréable, au lieu de la fuir, de la nier, je vais à sa rencontre, et je décide de la vivre tout simplement … et de la laisser passer.