Mon cerveau n’est-il qu’une machine ?
La métaphore de la machine remonte à plusieurs siècles, à Descartes pour être plus précis. Elle a depuis été mise au goût du jour et des technologies : finalement c’est simple, un cerveau c’est comme un ordinateur.
Mais fut un temps où le cerveau n’était pas perçu comme le siège de la pensée et de l’intelligence. Cela nous parait presque impossible à imaginer tant aujourd’hui il nous parait presque instinctif, de l’ordre de la sensation, que notre cerveau est le poste de commande. Pourtant Aristote, comme l’ensemble de ses concitoyens grecs), était convaincu que centre de l’intelligence, et des émotions était le coeur. Selon lui, le cerveau n’était qu’un simple système de réfrigération. On retrouve des traces de cette représentation encore aujourd’hui dans notre langage : “il a bon coeur” “je n’ai pas le coeur à ça” “ça me tient à coeur”, etc.
Une fois déterminé que le cerveau est anatomiquement le siège des pensées, de nombreux éléments nous ont poussé vers la métaphore de l’ordinateur. Tout d’abord, le cerveau comme un ordinateur est parcouru de nombreux signaux électriques, finalement un neurone ce n’est qu’un fil électrique, un circuit imprimé et quand on en a vraiment beaucoup, ça donne un ordinateur ou un cerveau c’est selon.
Ensuite, l’ordinateur est capable comme le cerveau de produire des raisonnements. Alors au début l’ordinateur ne produisait que des calculs simple mais force est de constater qu’au fur et à mesure de l’évolution technologique, les ordinateurs sont capables de rivaliser et de surpasser le cerveau humain sur de nombreuses taches qu’il s’agisse hier, des échecs, aujourd’hui du jeu de go ou demain de domaines comme la créativité qui nous semble pourtant le propre de l’humanité.
Du coup, nous sommes nombreux à penser notre cerveau comme un ordinateur et il vrai que j’utilise souvent en séance d’hypnose cette métaphore avec mes clients pour expliquer le fonctionnement du cerveau et n’hésitant pas à filer cette métaphore, de comparer, un comportement (comme le fait de fumer) à un simple logiciel qui nécessiterait soit d’être supprimé soit simplement upgradé à une nouvelle version.
Mais si la métaphore de l’ordinateur a des qualités, elle nous enferme aussi dans une vision réductrice de notre cerveau qui est d’une complexité largement supérieure (ce qui explique qu’on sait construire un ordinateur mais que nous sommes encore largement incapables de reproduire un cerveau).
Ainsi par exemple, la métaphore de l’ordinateur ne laisse aucune place à ce qu’on appelle en neurosciences, la plasticité de notre cerveau : ce que nous vivons quotidiennement, ce que nous pensons quotidiennement, change physiquement notre cerveau. Pour le dire autrement, les fils électriques de notre cerveau changent, certains disparaissent d’autres apparaissent et se reconnectent différemment. Voilà bien quelquechose qu’aucun ordinateur ne fait !
Du coup, je vous propose une autre métaphore qui prend cet aspect de notre cerveau en compte : et si notre cerveau était une grande forêt ? Alors on pourrait dire que chacune de nos pensées, de nos actions, de nos comportements serait comme un randonneur qui marche dans cette forêt. Qu’un seul randonneur marche et ça ne change pas grand chose mais si comme une pensée récurrente (voire obsessionnelle) ou un comportement automatique, un randonneur prend inlassablement tous les jours le même itinéraire et voilà qu’un sentier se crée et c’est alors que d’autres randonneurs vont prendre ce même sentier et ce jusqu’à en faire un chemin. Plus une pensée (ou un comportement) se répète, plus elle aura tendance à se répéter facilement à l’avenir.
Parfois on a simplement besoin qu’un garde forestier redirige nos randonneurs dans une autre direction pour créer d’autres sentiers et pour que notre forêt se porte au mieux. Ainsi par exemple, une étude a démontré qu’il suffisait de noter 3 pensées positives (aussi simples soient-elles comme le fait qu’il ait fait beau par exemple) par soir pendant 100 jours pour améliorer son bonheur. Cet exercice est maintenant utilisé pour le traitement de la dépression. Notre cerveau est une forêt, nos pensées sont des randonneurs … reste simplement à savoir dans quelle direction nous souhaitons les orienter.
Cette métaphore n’est ni plus vraie ni plus fausse que celle de l’ordinateur. Elle apporte simplement une vision complémentaire, et c’est là où cela devient compliqué : les représentations que nous nous faisons de notre propre fonctionnement nous apportent autant qu’elles nous enferment. A nous d’apprendre à les utiliser sans en devenir le jouet. C’est vrai pour chacun d’entre nous, ça l’est certainement encore plus pour un praticien en hypnose : il suffit parfois simplement que quelqu’un nous propose la bonne métaphore, celle à laquelle on n’avait pas pensé pour qu’un problème s’envisage sous un nouveau jour, un nouveau point de vue et alors il n’y plus tant à faire pour que naturellement le changement se mette en place.