L’hypnose au bloc opératoire, témoignage
Charles a une quarantaine d’année. Faisant suite à un accident, il s’est trouvé amputé de toute une jambe au niveau de la hanche.
Dans ce type d’intervention la plaie n’est pas instantanément refermée, elle reste “ouverte” plusieurs semaines avant qu’une autre intervention vienne la recouvrir par une greffe de peau. Dans cet intervalle, il faut changer le pansement de Charles tous les 3 jours. Par la taille de la plaie, c’est au bloc, par un chirurgien et sous anesthésie générale que le soin s'effectue.
Changer le pansement est particulièrement douloureux. Pour s’en faire une idée ,il suffit de se souvenir d’un petit pansement posé sur un genou, un bras, quand la croûte colle... Et de l’arracher. Là, c’est la même chose sur une plaie de la taille d’une pastèque.
Pour diverses raisons, Charles peut difficilement faire appel à l’anesthésie générale. Le corps médical décide d’opter pour une anesthésie de type péridural pour insensibiliser les membres inférieurs. Le geste anesthésique consiste à enfoncer une grande aiguille dans le dos. Dans le cas de Charles, il doit se faire en position assise et demande une certaine détente musculaire. Lors des 2 premiers pansements, sous le coup de la douleur, Charles n’a pas pu tenir la position en étant suffisamment relâché, l’anesthésie n’a pas eu l’effet escompté et s’en est suivi 45 min extrêmement douloureuses. Charles ne se souvient d’avoir hurler que quelques minutes, il pense s’être évanoui. L’équipe médicale témoigne de 45 minutes de cris continus.
Le chirurgien qui connaît un peu l’hypnose fait appel à nous (Jean-François Hirsch et moi-même). Lorsque nous rencontrons Charles la veille de l’intervention, il est tendu, stressé. Pendant l’heure que nous passons avec lui, nous lui expliquons comment l’hypnose fonctionne, comment elle peut l’aider. Nous parlons avec lui de ses peurs et lui faisons expérimenter un premier état de transe hypnotique afin de s’en éloigner. Il nous parle ensuite d’une douleur fantôme dans sa jambe perdue : il l’a sent pendre sous son lit, une chaussure trop serrée lui comprime le pied. Deuxième état de transe pour remettre sa jambe fantôme à plat sur le lit. Il rouvre les yeux, il sourit, il n’a plus mal, il a même délacé sa chaussure. Mieux, à ce moment il comprend comment fonctionne l’hypnose, comment simplement par son imaginaire il peut changer ses ressentis. Nous en profitons pour ancrer cette apprentissage par une troisième transe durant laquelle il va voyager dans son esprit l’éloignant de la chambre d'hôpital.
Quand nous retrouvons Charles le lendemain matin, c’est avant son transfert au bloc, Naturellement la peur est présente, nous lui proposons de reprendre son voyage vers sa détente et à l’aide de quelques exercices de respiration il reprend son calme.
Dans le bloc, alors que l’équipe médicale l’installe, nous continuons à l’accompagner lui laissant préciser son voyage les yeux fermés, il respire calmement et reste conscient. Au bout de 15 min, vient le moment d’effectuer l’anesthésie péridurale. C’est le moment de vérité pour Charles et pour nous, le moment qui justifie le bien fondé de notre présence. En quelques secondes, Charles est placé en position assise, il ne semble pas avoir mal, le corps est mou les yeux fermés, il arrive maintenant à rester calme sans dire un mot, Au moment où l’anesthésiste enfonce la grande aiguille dans son dos il laisse échapper un “oh la vache”. il est remis en position couché, nous continuons de l’accompagner et lui suggérons d’amplifier l’effet anesthésique. Quelques minutes plus tard, l’intervention commence, il ne sent rien. Pendant presque une heure, les chirurgiens vont enlever le pansement, nettoyer la plaie, et enfin remettre un nouveau pansement. Pendant tout ce temps Charles est porté par son rêve, un voyage paisible.
L’hypnose seule dans ces conditions n’aurait certainement pas suffit a la bonne réalisation de l’opération (ou aurait nécessité une très longue préparation), de la même manière que l’anesthésie seule avait prouvée ses limites. Mais lorsque les 2 techniques sont associées astucieusement au service du patient, on peut obtenir des résultats édifiants !
Charles rouvre les yeux à la fin de l’intervention, remercie l’ensemble de l’équipe. Il n’aura pas poussé le moindre cri. Le lendemain il dira même que si c’est toujours comme çà il est prêt à changer son pansement tous les jours.